L'ÉLEVAGE

Les investissements dans la recherche se sont multipliés au cours de ces dernières années, notamment sous l’impulsion des autorités japonaises. L’université de Kinki est en effet la plus avancée dans ce domaine.
L’objectif est double : produire de grandes quantités de thon rouge pour approvisionner le marché, et repeupler en larves ou en juvéniles de thons rouges les océans et les mers qui seraient dépeuplés par la pèche industrielle.
Or, l’élevage du thon rouge est chose complexe. Du fait de sa biologie mal connue, de son comportement de grand migrateur et de ses besoins physiologiques particuliers, le thon rouge représente un défi pour les scientifiques. Il a fallu 25 ans à l’université nipponne pour obtenir ses premiers résultats. Aussi, étant donné la très grande mortalité des larves, l’idée de repeupler l’Océan à partir de larves d’aquaculture est hypothétique.
Ajoutons à cela que le thon d’élevage n’est pas rentable. Actuellement, l’aliment qui sert à engraisser les thons est à 1,5€/kg ce qui correspond à une dépense de 30€ pour faire grossir le thon d’un kilogramme. Il faudrait produire un thon à 3,5€/Kg pour qu’il soit rentable, soit 8,5 fois moins cher que celui que propose Kinki. Se profile alors l’ombre d’activistes furieux.
L’élevage a aussi un impact lourd sur l’environnement, principalement dû à l’apport en masse dans le milieu marin d’aliments pour nourrir le gros poisson. Les problématiques liées à l’aquaculture sont celles de n’importe quel système d’élevage intensif. L’intensification implique une densité importante d’animaux, consignés dans des enclos flottants ou des espaces naturels et nourris quotidiennement, les aliments produit naturellement ne pouvant suffire. Ces élevages produits des quantités importantes de déchets : excréments, antibiotiques, pathogènes. En se basant sur les conséquences des fermes d’engraissement sur l’environnement, on peut imaginer les importants dégâts que produirait sur l’écosystème le développement de l’élevage intensif.
La pêche destinée à nourrir les thons menacerait quant à elle l'équilibre écologique de certaines régions et mettrait en ruine certaines économies locales. Si les poissons étaient substitués par des aliments industriels issus de l’agriculture, il existerait aussi un impact de l’élevage sur la production alimentaire mondiale (20kg de matière sèche pour 1kg de chair rouge).
Le fin mot est que le poisson d’élevage est de toute façon de moins bonne qualité. Il est en effet difficile de produire en captivité des individus d’une qualité comparable aux thons sauvages capturés en haute mer, nageant sur des milliers de kilomètres et mangeant une nourriture très variée.
La réussite de l’élevage ne permettrait alors pas de diminuer la pression exercée sur le thon rouge sauvage, si bien que nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de répondre à la question : « est-ce que l’aquaculture va faire augmenter – ou bien diminuer – la quantité globale de poisson ? » Il s’agit d’une controverse ouverte, parallèle à notre sujet, que nous ne traiterons pas ici.
Note : l’élevage est différent des fermes d’engraissement ou d’embouche. Les fermes sont apparues afin de répondre à la demande du marché japonais. Le thon rouge est facilement capturé en zone de reproduction, mais il n'a pas un taux de gras suffisant. La mise en place de fermes permet alors de l’engraisser pour répondre aux critères du marché. L’élevage consiste à reproduire l’espèce en captivité.