Comment se déroule la pêche ?
La pêche à la senne se déroule normalement en plein jour afin de pouvoir localiser les bancs.
Une opération est appelée « callée » ou « coup de senne ». Elle dure entre 2 et 3 heures en fonction de la quantité de poisson capturé.
Cette pêche est effectuée sur des bancs libres ou sur des poissons fixés grâce à des objets flottants.
Les bancs sont repérés grâce à différents signes (cétacés, oiseaux, rides sur l’eau, etc.).
Depuis les années 1990, de nombreux bateaux de la flottille utilisent la technique des objets « plantés » (dispositif de concentration de poissons ou DCP) afin de concentrer les espèces à capturer.
Une fois le banc localisé, sa dimension est évaluée soit par inspection visuelle, soit grâce à un sonar, soit en utilisant des embarcations auxiliaires.
Le senneur contourne le groupe de poissons afin de former le cercle que sera la senne et largue le filet, tandis qu’une embarcation auxiliaire ramène une extrémité du filet à la proue du bateau en se déplaçant dans le sens contraire afin de fermer la senne. Le volume de la senne se réduit progressivement jusqu’à ce qu’il forme une poche. Cette opération de largage se déroule en moins de 5 minutes.

Lors de l’opération, une embarcation est souvent disposée à l’intérieur du cercle formé par la senne à côté du DCP pour éviter que le banc de n’échappe avant la fermeture de la coulisse.
Si l’on opère sans DCP, plusieurs navettes se chargent de grouper le banc grâce au bruit de leurs moteurs, voir grâce à des teintures utilisées pour créer des barrières artificielles empêchant la dispersion du banc.
Les thoniers méditerranéens ferment le cercle sans utiliser toute la senne pour éviter que le thon ne s’échappe en changeant de direction, et ils ne forment pas complètement la « bourse » afin de conserver le poisson en vie et dans des conditions favorables pour son transfert dans des fermes d’élevage.
Quels sont les pays impliqués dans la pêche à la senne du thon rouge ?
Algérie, Canada, Chypre, Croatie, Espagne, Etats-Unis, France, Grèce, Italie, Libye, Malte, Maroc, Norvège, Panama, Portugal, République de Corée, Serbie et Monténégro, Afrique du Su, Tunisie, Turquie, Yougoslavie.
Dans les pays impliqués dans la pêche à la senne du thon rouge, le pays qui a apporté le plus de captures est la France, suivie de l’Italie et de l’Espagne.
Où sont situés les ports de débarquement ?
En Méditerranée, une fois capturés par la flottille des senneurs, les thons sont pour la plupart transportés dans des cages flottantes situées le long du littoral aussi bien européen qu’africain ou à proximité d’îles proches (Malte, Chypre, Crète, etc.).
Les plus importants débarquements de thons en Méditerranée sont réalisés en Catalogne, aux Baléares, à Alicante, et à Valence pour l’Espagne et à Port-Vendres et Sète pour la France.
Combien de thons rouges sont capturés par les thoniers senneurs ?
En Méditerranée, l’exploitation de la ressource de thons rouges à la senne a commencé dans les années 1950 avec la flottille des senneurs italiens. La France commença en 1966 à exploiter cette ressource selon ces méthodes, et développa rapidement cette pêcherie pour atteindre en 1976 une valeur de 3 800 tonnes.

Les fermes d’embouche commencèrent vers la fin des années 70 et elles amenèrent d’autres pays à participer à cette pêcherie, il y eu alors une augmentation de l’effort de pêche et des captures.
Un record de capture fut ainsi établi au milieu des années 90 avec 21 000 tonnes.
Depuis le début des années 2000, on estime qu’environ 20 000 à 25 000 tonnes de thon rouge sont élevées dans des cages et donc pêchées chaque année.

Qu’est ce que l’embouche ou l’engraissement des thons ?
Cette technique a été majoritairement adoptée après l’augmentation de la valeur marchande du thon rouge à la fin des années 1990, et donc pour répondre à la demande du marché japonais.
Les thons sont capturés vivants à la senne et transportés dans des cages flottantes, jusqu’à des fermes à proximité des côtes. Ils y sont alors engraissés pendant 5 à 9 mois, grâce à une alimentation composée en très grande partie de poissons pélagiques, jusqu’à ce que leur chaire atteigne une qualité, ce fameux rouge carmin, en conformité avec les critères des importateurs asiatiques.

On notera que pour un poids équivalent la valeur d’un thon passé par une ferme d’embouche est le double de celle d’un thon congelé de haute qualité. En effet, le thon facilement capturé dans les zones de reproduction n’a pas un taux de gras suffisant, c’est là que se situe la valeur ajoutée des fermes d’engraissement.
Ces fermes sont situées en Espagne, en Tunisie, à Malte, en Sicile, en Croatie, en Grèce, en Turquie et à Chypre. Ces cages font de 150 à 300 mètres de circonférence.

Que pensent les thoniers senneurs de la controverse entourant le thon rouge ?
Les thoniers senneurs sont la flottille la plus grosse et disposent de la plus grosse force de pêche. Ils sont, en quelque sorte, la face immergée de l’iceberg, celle connue de l’opinion publique et autour d’eux toutes les tensions de la controverse du thon rouge se cristallisent. Ils sont présentés à l’opinion publique comme des mafieux détruisant l’environnement, notamment à travers les reportages télévisés (Strip Tease du 16/08/2008 « La guerre du thon rouge » diffusé sur France 3). Une image dont ils aimeraient bien se défaire.
Pour eux les mesures qui ont été prises pour limiter la pêche et assurer le renouvellement des stocks ont globalement deux conséquences.
D’une part, ces mesures ne règlent pas de façon certaine le volet environnemental de la question, c’est-à-dire l’épuisement de l’espèce, et d’autre part elles ne permettent pas d’accorder une rentabilité à leur activité.
Ils ne comprennent pas « l’acharnement » s’abattant sur eux alors qu’ils essayent de se conformer à toutes les réglementations en vigueur.
Ils reconnaissent sans trop de difficulté qu’il y a eu des abus par le passé, mais affirment que maintenant avec la surveillance extrême dont ils sont l’objet, il leur est impossible de ne pas respecter la législation.
Ce qui explique selon eux les réactions violentes qu’ils peuvent avoir notamment envers les ONG lorsque celles-ci veulent les empêcher de faire leur travail alors qu’ils sont dans la plus parfaite légalité.
Plus généralement dans la controverse, la connaissance pointue et professionnelle des pêcheurs de la mer et des poissons les poussent à remettre en question les allégations des autres acteurs, mais aussi à remettre en question les outils de régulations servants à limiter leur activité.
Comme les scientifiques, ils partagent de nombreuses incertitudes sur l’espèce et mettent en avant son caractère bien plus imprévisible que d’autres espèces de poissons.
Dans ce sens, ils ne comprennent pas comment il est possible de réguler la pêche d’une telle espèce sur des paramètres prévisibles et statistiques alors que par essence l’espèce est imprévisible et que cela fait partie de leur expérience.
Les outils de mesure des stocks mis en place notamment par l’ICCAT n’ont que peu de crédit auprès des thoniers senneurs, même s’ils sont bien obligés de s’y conformer sous peine d’amende ou d’emprisonnement.
Selon leurs observations lors des pêches, les thons sont plus nombreux que jamais ce qui remettrait pour eux en question le problème de la diminution du stock de thon rouge en Méditerranée.
Ils mettent en outre en avant la possibilité que le stock de thon rouge de l’Atlantique fasse partie du même stock que celui de la Méditerranée. Une position qui n’a pour l’instant ni été confirmée ni démentie par les scientifiques.
Enfin, ils mettent en avant les autres facteurs qui pourraient selon eux être à l’origine de la baisse des stocks et qui ne leur seraient pas directement imputables loin de là, par exemple la qualité de l’eau.