les annexes de la CITES : quels enjeux ?

Il existe trois annexes pour lesquelles les espèces peuvent faire l’objet d’une inscription. Si le processus est mené à terme, alors cela revient à ce que l’espèce en question passe sous le giron de la CITES. Dans le cas du thon rouge, l’ICCAT verrait donc ses prérogatives privées de la gestion du thon rouge.

Le thon rouge ainsi protégé serait l’objet de permis pour toute tentative d’importation, d’exportation, ou de réexportation par les parties (= les pays ou organisme supranationaux), qui doivent obligatoirement désigner à leur niveau un organe de gestion chargé d’administrer ce système de permis et, au minimum, une autorité scientifique produisant un avis sur les effets du commerce sur ce poisson.

Le projet de Monaco visait à inscrire le thon rouge à l’annexe I, soit le plus contraignant :

« Les espèces inscrites à l’annexe I sont menacées d’extinction et toute transaction internationale à des fins commerciales, concernant ces espèces, est interdite. Les spécimens élevés en captivité ou reproduits artificiellement et les objets personnels peuvent bénéficier de dérogations particulières. » (Bulletin UICN – 2002)

La légitimité d’une telle inscription a été soutenue par les ONG qui y voyaient là un moyen radical mais efficace de sauver l’avenir du thon rouge. Pour Charles Braine,

« Monaco a monté un dossier, car ce sont les états qui proposent l’inscription des espèces. On l’a trouvé cohérent, on l’a soutenu. »

Une telle inscription aurait été une première dans l’histoire de la faune, car si quelques cétacés comme les baleines sont inscrites sur cette annexe I, il n’existe encore aucun thonidés.

Jean-Marc Fromentin lui ne trouve pas cette inscription justifiée :

« J’avais réagi au fait qu’il y avait une instrumentation de certaines ONG sur certains chiffres scientifiques. Moi j’avais fait des évaluations d’expertise pour la France sur le thon rouge ce n’était même pas pour l’annexe I mais pour la II parce que ça dépendait du point de référence qu’on prenait. »

Selon ses analyses, le thon rouge n’entre pas dans une phase critique d’extinction. L’annexe II est donc une alternative moins restrictive, puisque

« les espèces inscrites à l’Annexe II ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais pourraient le devenir si elles n’étaient pas soumises à une réglementation et à un suivi rigoureux. L’Annexe II comprend la majorité des espèces inscrites et permet de garantir la durabilité du commerce de ces espèces : avant que le commerce puisse être approuvé par l’organe de gestion du pays exportateur, l’autorité scientifique doit déterminer qu’il ne portera pas préjudice à la survie de l’espèce. » (Bulletin UICN – 2002)

Il est à noter que cette annexe regroupe plus de 90% des espèces placées sous la protection de la CITES.

L’annexe III enfin, est l’objet d’une décision unilatérale d’une Partie qui veut protéger telle espèce mais ont besoin du concours volontaire des autres Parties pour surveiller son commerce.

Enfin, la CITES régule le commerce international des espèces, de telle façon qu’une inscription à la liste I du thon rouge permettrait toujours sa pêche près des côtes d’un pays s’il le souhaite, du moment qu’il n’y pas transaction internationale. La pêche sportive par exemple, très développée à Monaco, n’en aurait pas souffert.

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L’ara de Spix est un exemple d’animal protégé intégralement par la CITES. Pour autant, il a été déclaré éteint à l’état sauvage en 1999.

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Une campagne presse lancée par Monaco en fait le champion de la défense du thon rouge en méditerranée

Une inscription du Thon à la CITES n’interdit pas aux pêcheries locales ni à la pêche sportive de continuer leur activité

L’échec du 18 mars 2010

« L’Europe a mis du temps à se positionner, c’était l’horreur. La France a posé des conditions supplémentaires qui compliquaient l’adoption du texte, reprises par l’Europe quelques jours avant le scrutin [les pays européens parlent d’une seule voix à la CITES, avec un siège pour les 27]. Pendant ce temps-là, le Japon a eu le temps de faire campagne auprès de tout un tas d’états type Nigéria ou la Barbade. La Libye [qui présidait] a lancé rapidement le vote et ça était l’échec. »

C’est en substance comment le résumé de la session de la CITES du 18 mars 2010 pour Charles Braine. Il aurait fallu que la proposition recueille les deux tiers des voix pour être validée.

Est-ce à dire que ce dossier, préparé dès 2009 par la principauté de Monaco, n’a eu aucun autre effet sur la controverse ?

Jean-Marc Fromentin, qui a émis des doutes sur une inscription en annexe I, reconnaît :

« Il a fallu passer par ça c’est-à-dire une crise politique majeure et le fait que l’enjeu de la CITES était passé par là et la fermeture des pêcheries si jamais le thon rouge était interdit au commerce international pour vraiment que les politiques changent. » Et de se mettre à plus prendre en considération, selon lui, « l’avis des scientifiques ».

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L’inscription du thon rouge à la CITES aurait été une première pour un thonidé